José Sales Albella, poursuit une voie étroite qui le mènera adolescent un jour au Prado, mais il doit quitter l’Espagne après un apprentissage qui lui confère une expérience peu commune en matière de restauration, même s’il ne s’agit pas de peinture mais de ferronnerie d’art.
Le dessin, le tracé, restent ses outils fonciers, plus la forge, le marteau, le burin.
Un pas en enfer ? Chez vulcain où il côtoie des hommes, tous les genres d’hommes ; s’il en réchappe, l’aventure vaudra d’avoir été vécue.
Sa venue à Montpellier le propulse enfin là où sont ses rêves, aux Beaux Arts, mais ce n’est pas en tant qu’élève qu’il y intègre en 1992 le pôle photographie de l’école, mais comme agent technique.
Ce qui pourrait être déceptif pour certains est pour lui une leçon d’ambition grandeur nature grâce aux artistes qu’il côtoie ou pour qui il collabore.
Des cours de Charles Camberoque aux étudiants, il capte le meilleur, le soir il les met en pratique. Son amour de la littérature et son goût pour le livre le poussent d’abord à écrire, il édite deux ouvrages en français, * dont il conçoit maquettes et illustrations. Son activité n’a plus de cesse, il peint.
Ses peintures sont issues d’un système de production qui est déterminé par l’économie même dont il dispose : devoir peindre chez soi le soir dans un appartement au milieu de sa famille.
Cette contrainte sera productive d’un système qui lui permet, outre de prendre confiance en lui, de concevoir un univers pictural qui implique les méthodes du photographique, le montage, les recadrages, les répétitions, les décentrements. Il mêle son art du regard aux expériences tactiles issues du dessin, papiers froissés, pliages, découpages.
Il choisit ses gammes colorées dans la chimie du laboratoire : bruns et sépia mais aussi irisations vertes, virages orangés, etc. .
Sa faculté est grande à résoudre des proximités formelles difficiles par l’usage du flou, de la composition plan par plan. Il règne sur sa pensée créatrice une articulation propre au cinéma, les plans sont progressivement invités à occuper l’espace d’accrochage comme une durée. José décline, non pas des modules peints, mais plutôt les pixels d’une narration chaînée.
En peignant de petits formats, il crée un univers où se mêlent le plaisir d’un apprentissage classique, via un répertoire qu’il connaît bien (les Ménines de Vélasquez), et le souvenir de ces heures pendant lesquelles il observait les déformations que produisait l’angle de son regard d’enfant rasant la surface des images. Images volées sur la pointe des pieds.
José conçoit très rapidement un dispositif pictural qui ne considère pas les objets produits comme étant indépendants les uns des autres.
Ils appartiennent tous à une même trame trans-historique, celle d’une mythologie personnelle liée à celle de l’histoire proche et familière de l’âme espagnole.
Au coeur de cette oeuvre en train de naître se joue un drame, celui de l’humanité face à la fiction, qu’elle soit celle de la représentation ou celle de la temporalité éprouvée. Temporalité de la peinture par son long processus d’élaboration, temporalité de sa lecture qui s’abîme en quelques fractions de secondes. C’est aussi celle, instantanée, de l’image photographique qui tente de reconstruire le réel là où la peinture, a depuis longtemps décidé de composer avec la perte.
Enfant, José était certainement amoureux de l’image de l’Infante, petite fille blonde, qui vivait avec lui sous le même toit et qui venait d’une autre époque. Doux mensonges de cette confrontation et de vouloir maintenir vivant l’image de ce que l’on sait à jamais perdu.
Christian Gaussen.